2.4 Autre cible : les normes

L’atteinte du jeune sur sa propre personne reste relativement peu abordée pour définir les troubles psychiques dont il souffre. Les tentatives de suicide, les actes d’automutilation ou d’isolement ne sont que guère cités. En revanche, un large consensus (90%) s’établit autour des troubles psychiques perçus comme de l’inadaptation sociale. Nous pouvons interroger cette notion relativement floue qui fait pourtant consensus, même auprès des psychologues (80% d’entre eux). Les répondants ne se sont pas saisis de la possibilité de compléter ces réponses par d’autres traductions des troubles psychiques.

Question à choix unique : d’après votre expérience, pour ces adolescents en situation d’incasabilité, les troubles psychiques se traduisent principalement par ?

La cible n’est pas ici matérialisée, elle s’affiche abstraite à travers la notion de l’inadaptation sociale. Autrement dit, les cibles sont ici, les lois, les règles, les normes, les codes en vigueur, qu’ils soient sociaux, environnementaux, familiaux, institutionnel, etc. De manière indirecte, elle touche les professionnels et les institutions porteuses de cette normalisation ou réglementation. Cette grandeur s’intègre dans l’hyperespace du danger sous sa dimension déontologique, celle regroupant au sens large du terme, les éléments « obligatoires ou de libre adhésion, contrôlés a priori ou non, etc., […] des lois, codes, règlements ainsi que les normes[1] ». Sur le plan cindynique, cela fait appel à ces différentes dimensions, qui, dans un réseau d’acteurs, parfois même au sein d’un établissement, sont portées selon leurs propres principes, leurs propres codes, leurs propres règles. La problématique peut aussi bien toucher la façon dont ces règles sont appliquées que dans la manière de les percevoir. La notion de besoin ou de parcours déjà traitée peut interroger la vision et la mise en œuvre de ces grands principes.

DEONTOLOGIE = Règles

2.5    Gravité : un triptyque gagnant

L’analyse du classement par ordre d’importance des motifs pouvant provoquer des situations de rupture de parcours, met en évidence un triptyque qui se détache largement des autres motifs :

  • Les violences physiques contre les professionnels : 7.7/10
  • Les troubles psychiques : 7.3/10
  • Les violences physiques contre les pairs : 7.3/10

Si les deux premiers motifs viennent confirmer les données précédentes, le dernier apporte un éclairage nouveau. La violence à l’encontre des pairs restait jusqu’ici relativement noyée sur le plan de la primauté. Elle émerge lorsqu’il s’agit du degré de gravité pouvant conduire à la fin de la mesure. Le graphique permet d’identifier clairement la cassure entre le trio de tête et les autres réponses.

Nous pouvons entendre ces réponses sous deux axes, à mon sens. D’abord, celui d’une hiérarchisation des risques. Ensuite, nous pouvons extrapoler que les réponses mettent en exergue, ce qui relève du risque acceptable et non acceptable. Pour Pesqueux, « l’acceptabilité résulte d’une construction mentale, sociale et culturelle où l’aspect affectif entre en ligne de compte[1] ». Cette notion de gravité ne repose ici que sur des critères propres à chaque institution, chaque service, voire chaque professionnel, que ces critères soient collectifs ou individuels.

Question : Classez par ordre d’importance ces motifs qui provoquent selon vous les situations de rupture de parcours au sein des dispositifs de la PDE

Autrement dit, ces degrés sont soumis à un système de valeurs porté par un jugement. L’axiologie est synonyme de « philosophie des valeurs qui s’est développée, depuis 1892, à la suite des travaux de H. Rickert, néo-kantien de l’école badoise. Pour Rickert, qui reprend une distinction de Kant, puis de Fichte, le devoir-être l’emporte sur l’être, la valeur l’emporte sur la réalité[2] ». Sur le plan cindynique, c’est la question de l’acceptabilité des risques, des dangers en lien avec le système de valeurs au cœur même du réseau d’acteurs. L’axiologie  est donc la manière dont les valeurs et l’application des règles, des lois, des règlements, vont parfois venir se percuter.  

AXIOLOGIQUE = Valeurs


[1] Pesqueux Yves. Pour une épistémologie du risque. Management et prospective, 2011, p. 467

[2] Universalis : https://www.universalis.fr/encyclopedie/axiologie


[1] Ibid, page 34