Le questionnaire a été communiqué à l’ensemble des directions d’associations de la protection de l’enfance et aux directions territoriales du département de la Drôme, pour transmission à leurs équipes. Mis en ligne le 24 avril 2019 pour une durée de 37 jours, sa fermeture a lieu le 30 juin 2019. Sous le titre « Enquête sur les adolescents en situation d’incasabilité », 59 professionnels ont participé à ce sondage, dont la répartition par fonction est la suivante :
Les travailleurs sociaux, dits de terrain (éducateurs, CESF, AS…), représentent plus de 54% des participants, l’encadrement de proximité représente quant à lui 33% des réponses. Il faut entendre dans cette catégorie les professionnels en charge d’accompagner le public et les professionnels de manière intensive (chef de service, RT, psychologue). Les fonctions de direction représentent 10% des réponses. Ce panel semble représentatif des réalités de terrain, de l’architecture et de la complexité du réseau principal d’acteurs de la PDE.
2.2 Violences et troubles psychiques, motifs principaux de ruptures
Les professionnels attribuent, pour 39% d’entre eux, la violence physique comme principal objet de rupture de l’accompagnement au sein d’un dispositif. Cette violence à l’encontre des professionnels génère à elle-seule près de 34% des réponses. Ainsi, de manière prédominante, l’enquête pointe la violence physique comme nature du danger et le professionnel en tant que cible. Néanmoins, cette représentation varie nettement selon les fonctions occupées par les répondants.
18 éducateurs relevant d’associations, soit 66% évoquent les violences physiques et verbales. Dans les mêmes proportions que le consensus général, 33.3 % d’entre eux soulèvent les violences physiques envers les professionnels. Ce même ratio est valable pour les professionnels de terrain de l’Aide Sociale à l’Enfance, dont un tiers évoque également les violences physiques à l’encontre des professionnels.
Pour les fonctions d’encadrement, la violence physique comme objet de rupture est beaucoup moins évidente et ne représente, pour les responsables ASE ou associatifs, respectivement que 25% et 28%. La fonction d’assistant(e) Social(e) classe en priorité, pour les deux tiers, les troubles psychiques, et pour un tiers, les addictions ou troubles de santé. Ici, la violence, quelle que soit sa nature, n’est pas mentionnée comme motif de rupture, pas plus que ne le sont les violences physiques pour les assistants familiaux.
En complément, certains professionnels motivent la rupture par « une rupture de communication entre le jeune et sa famille, avec l’impossibilité de mobiliser les fonctions parentales, l’impossibilité de co-construction » ; « le manque d’écoute et d’adaptation des institutions aux besoins des jeunes » et enfin, « la non adhésion du jeune au projet ». Nous pouvons être légèrement surpris du manque d’utilisation qu’offre l’intitulé « autre » en permettant aux professionnels de sortir de « la case ».
32.2% des personnes interrogées pointent les troubles psychiques comme motif principal de rupture, juste derrière les violences physiques envers les professionnels. Parmi eux, les fonctions d’encadrement ASE évoquent, par une large majorité (près de 63%), les troubles psychiques comme motif principal de rupture. Les autres catégories sont bien plus partagées, mais les troubles psychiques font partie des troubles principaux, au même titre que la violence physique. Paradoxalement, pour la totalité des psychologues, les troubles psychiques ne sont pas le motif principal de rupture de l’accompagnement. La notion de troubles psychiques ne semble pas non plus être désignée par les assistants familiaux.
Sur un plan cindynique, cet aspect peut être perçu sous l’axiome de la relativité, celui qui envisage la perception du danger par un acteur selon une situation qui regroupe le réseau d’acteurs (nombre, limites) ; la position de l’acteur dans le réseau concerné ; les horizons chronologiques. Ces trois éléments vont donc influer sur la représentation propre aux dangers, qu’elle soit objective ou subjective d’ailleurs. Elle ressort ici principalement sous la forme de la fonction, mais peut être regardée sous l’angle du dispositif, et même des réseaux. La question de la coordination des acteurs et de ses freins, souvent soulevée, se heurte à mon avis, sur cet axe des « spécialisations » de chacun, de ce qui fait commun, et produit des regards et des analyses différentes sur la perception du danger. C’est de manière plus globale la problématique du langage commun.