Isabelle reconnait que « Oui. Pas mal de fois où je me suis mise en danger. Je pense que j’ai eu une bonne étoile parce des fois, dans des lieux… mais même par rapport à la prise de drogue ; c’est vrai qu’ado, j’allais souvent dans les « raves party », et qui dit « rave party », dit drogue». Elle indique avoir « commis des délits mais je n’ai jamais été inquiétée par la police. […]. Violences verbales, envers ma maman. Violences physiques, non. Je n’ai jamais levé la main sur elle. J’avais toujours eu cette limite-là. […] Il faut savoir aussi que, pendant un an, tous les jours et sans relâche, je taxais à ma mère, et tous les jours 10 euros pour fumer du shit. Si elle refusait, c’était de la violence. […]. Violences physiques à coté, oui. Que ce soit dans la rue ou quoi que ce soit…, je cherchais un peu la petite bête, j’aimais bien me mesurer, quoi ! ».
Béatrice dit qu’elle était « quand même chiante, c’est vrai mais j’étais quand même gentille à côté de certains qui fuguaient plus que moi ou qui ne rentraient pas et peut être qu’il m’est arrivé de fuguer mais je n’ai pas le souvenir de m’être mise en danger ou… après j’avais beaucoup d’agressivité, c’est vrai. Après oui, bon, il m’arrivait de voler dans les magasins, du rouge à lèvres ou du maquillage ou des broutilles. Peut-être deux ou trois conflits avec la police mais rien de méchant quoi ».
Pascal déclare « non pas du tout, j’étais jeune, à cet âge-là, on n’en prend pas conscience […] mais non, non, j’ai vécu à trois mille pourcents ma jeunesse. Il y a eu des hauts, beaucoup de bas aussi, faut pas croire, on est souvent seul […] J’ai pris les choses en positif, j’avais l’impression que j’y arrivais tout seul […] j’étais vachement débrouillard, autonome, j’allais voir les gens, j’étais courageux, j’avais peur de rien […] Alcool, drogue, c’était de la coke, de l’héroïne, je faisais beaucoup de rave-party. Ça m’a emmené quelques années en prison ».
Bernard explique que « le fait de partir, d’être un peu à l’écart, ça me permettait de préserver les autres ici. Parce que si j’étais resté ici, j’aurais fini par faire une bêtise, me battre jusqu’à la mort avec mon père et ça aurait été beaucoup trop loin ».
Françoise qu’elle était « consciente mais ça ne m’importait pas, parce que je ne me sentais pas écoutée, en fait ».
Ces témoignages peuvent appuyer la théorie 3D (Défit, Déni, Délit). La phénoménologie du danger s’intéresse plutôt aux mécanismes à l’œuvre lorsque le sujet le relativise, l’ignore, ou le brave. La sémantique utilisée donne un sens plus pragmatique, ne dit-on pas « braver le danger » ? Pour cela, les notions principales abordées par les cindyniques relèvent plutôt :
- De l’héroïsme –héros- martyr- kamikaze- qui respectivement, va osciller entre le courage et la témérité ; dépasse ou recherche le danger ; l’utilise à des fins collectives en se détruisant ;
- Du jeu –le joueur qui est principalement porté par le goût du risque ; et d’une culture du risque.
Par cette approche, les cindyniques prennent en compte que les valeurs (Axiologie) et règles (Déontologie) du sujet peuvent venir disjoindre les finalités et objectifs (téléologie) individuelles ou collectives. Un adolescent qui se met en danger avec ses pairs au sein dans un collectif constitué, n’est pas la même chose qu’un adolescent en fugue isolément.
Autrement dit, mettre en perspective ces phénomènes, c’est construire un système de vigilance, de prévention, de réponse, en adéquation avec les risques en jeu. Les modèles (Epistémique) des MECS avec leur collectif ou l’idée d’équipes pluri-professionnelles mobiles ne doivent pas se mettre en opposition. La question de la diversification ou de l’innovation des dispositifs est souvent soulevée sous le prisme des besoins des adolescents ; au détriment, à mon sens, de la phénoménologie du danger.