4.     LES AXES DE TRAVAIL : UNE APPROCHE DE LA NOTION DE DANGER

4.1 Les représentations du danger

Nous avons vu que les représentations des professionnels sont tenaillées entre la nécessité d’une meilleure coordination entre les différents acteurs et le besoin de création de dispositifs adaptés, voire innovants. Les deux, pouvant être légitimement complémentaires, la première se centrant sur les pratiques professionnelles, la seconde sur les pratiques institutionnelles. Il n’est pas question de remettre en cause ces deux réponses.

Nous avons vu également que les situations à risques et de danger peuvent être décrites ; qu’il est possible de repérer des problématiques, des incohérences, voire des aberrations.

Les facteurs de rupture sont surtout traités par le prisme d’une tentative d’explication plus ou moins rationnelle à travers différentes disciplines, rarement par la compréhension des circonstances et causes qui conduisent à cette rupture. La question du danger se voit ainsi reléguée aux seules conséquences qui conduisent à une interprétation reposant principalement sur :

  • Des déterminants liés à l’histoire personnelle du sujet
  • Une catégorisation des publics
  • Une inadéquation des réponses des dispositifs
  • Un besoin d’améliorer la coordination des acteurs

Il manque à mon sens une clef de voûte ; sous la forme d’une méthode, d’un langage, d’une perspective, qui fédère l’ensemble des acteurs et facilite le travail collectif. Ce croisement des approches doit permettre de dépasser les frontières des compétences, des technicités, des spécialisations, des missions.

L’ingénierie sociale peut accompagner cette volonté, non pas dans une logique où l’ingénieur possède les solutions aux problèmes, mais au contraire, dans la construction de modèle favorisant un éclairage du problème, ici la protéiformité du danger.  Pour les cindyniques, « il faut donc cerner le danger, c’est-à-dire l’identifier, pour pouvoir espérer en diminuer les conséquences négatives[1] ». Sans meilleure compréhension du danger, il est difficile d’activer des leviers de protection et de prévention, pour réduire sa probabilité, sa gravité, ou simplement pour éviter la production d’un nouveau danger plus grave.

La science du danger est une approche que je retiendrai. L’ingénierie sociale peut en favoriser l’émergence et des modalités de mise en place, de par ses compétences et sa connaissance des acteurs. Nous avons vu que l’approche cindynique offre une lecture, une méthodologie, qu’elle impose également un vocabulaire. Elle porte, au final, un regard, pose des mots là où parfois notre pensée du danger trouve ses limites. Conscient que l’appropriation de cette science commence d’abord par une maitrise, un réajustement, une adaptation, des grands principes, et sans toucher aux fondamentaux, elle me parait ouvrir la voie à des questions qui, jusqu’ici, ne trouvent pas de réponses :

  • Quels types de dispositifs inventer ?
  • Quelle coordination des acteurs ?
  • Pour quel objectif ?
  • Quelles pratiques professionnelles à mettre en œuvre ?

En toute humilité face au travail effectué par les inventeurs des cindyniques, je noterai un manque. Effectivement, l’aspect « déficitaire » est privilégié dans la recherche et la compréhension de la phénoménologie du danger. Ne serait-il pas possible d’y inclure l’aspect « bénéficiaire » ? Dans les professions du social, le négatif ressort souvent au détriment de ce qui fonctionne plutôt bien, comme nous l’avons vu dans l’exemple des séjours de rupture.

Concernant la protection de l’enfance, nous avons vu que son niveau est départemental de par les directions territoriales et local de par les opérateurs associatifs.

La première piste consiste à accompagner les acteurs locaux dans l’appréhension et le traitement des risques de danger. Je qualifierai cette approche de « cindyniques médico-sociales » au niveau micro.

La seconde vise à recueillir les données produites par un système méso, dans l’optique d’études et de recherches. Nous pouvons l’identifier à l’échelle du département, territoire clef de la PDE. Méso ou micro, définir des situations cindyniques, c’est pourvoir les inscrire dans une temporalité, un espace délimité et un réseau d’acteurs.


[1] Kerven G.Y, Rubise P, op .cit, p.232