Effectivement, ce consensus précise que les « défaillances de la réponse à leurs besoins, la sémiologie clinique exprimée, comme troubles susceptibles d’être générés par la rupture, la séparation et le placement conduisent à l’expression de besoins spécifiques, auxquels devront répondre les modes de suppléances [1]». A charge donc aux acteurs de la PDE d’apporter, dans le cadre notamment de la suppléance, des réponses adéquates à ces besoins, dont le méta-besoin de sécurité, et de s’attacher plus précisément à la stabilité de l’accompagnement et la continuité du parcours :
- Un accompagnement à la rupture, à la séparation et à l’établissement de nouvelles relations affectives avec une nouvelle figure d’attachement,
- L’accès à une nouvelle figure d’attachement de proximité, empathique, accessible, disponible, stable, prévisible et engagée dans une relation éducative et affective, dans la durée, lui permettant de développer des liens d’attachement sécure,
- La continuité de l’adulte stable dans la durée, aux fins de garantir la sécurité affective de l’enfant et de ses liens avec la figure d’attachement, la continuité des décisions judiciaires, dès lors qu’il y va de son intérêt, celle des professionnels référents et de son lieu de suppléance,
- une explicitation le moment venu des motifs du placement pour donner sens au placement et permettre le renoncement au lien d’attachement primaire pour rendre possible l’instauration de nouveaux liens avec une nouvelle figure d’attachement,
- une cohérence du parcours en protection de l’enfance qui permette une stabilité du placement, de ses affiliations électives, de ses réseaux de sociabilité et envisage un projet d’avenir possible à anticiper (à court, moyen et long terme)[2]».
Parmi ces fondements, deux points se détachent : le premier concerne la figure et le lien d’attachement. Nous pouvons y retrouver la théorie de J. Bowlby qui traite des figures d’attachement qu’elles soient sécures, insécures, évitantes, ambivalentes ou désorganisées. Ce psychiatre définit le lien d’attachement pour désigner le lien particulier unissant l’enfant à la figure maternelle. Pour nuancer ces propos, la notion de caregiving autrement dit, la fonction de prendre soin, est une approche complémentaire, disons plus moderne et plus transdisciplinaire à la théorie de Bowlby. Selon Bénédicte Boyer-Vidal et Tereno Susana, ce « système de caregiving est indissociable du système d’attachement de l’enfant puisque l’activation du système d’attachement de l’enfant provoque l’activation du système de caregiving chez le parent [3]». Les auteures notent toutefois que l’importance ne réside pas uniquement sur le lien noué avec l’éducateur ou l’éducateur référent, mais plutôt de l’environnement sécure et attentif à chacun des jeunes accueillis. Ici, la notion ne repose plus seulement sur la figure d’attachement, mais sur une lecture de l’environnement et des figures afférentes. Cette hypothèse permet d’interroger les conditions des institutions pour favoriser un environnement sécure, mais aussi l’impact de l’environnement sur les comportements, notamment auprès des adolescents « en situation d’incasabilité ». Peut-être que ce n’est pas tant sur la figure d’attachement que doit porter notre attention, mais plutôt sur le « milieu d’attachement », d’autant plus lorsqu’elle s’exerce en direction d’adolescents ou de jeunes adultes.
Le second point s’attache plus particulièrement à la cohérence du parcours de l’enfant à travers les décisions, les enchainements des placements, le projet social, et même l’accompagnement à la rupture le cas échéant. A la définition dynamique du parcours s’oppose la définition par nature statique de la figure d’attachement. Alors même s’il faut accompagner l’enfant vers de nouveaux adultes repères, assurer cette transition du lien affectif, récemment encore, le témoignage d’une assistante familiale explique comment elle s’est vue interdire de garder contact avec une petite fille de 8 ans, suite au déménagement des parents dans le sud de la France et par conséquent un changement de famille d’accueil. Le concept de besoin de l’enfant est soumis à interprétation, le plus souvent parasité par une autre notion, celle de « l’intérêt de l’enfant ».
Les contours de la notion de « besoins fondamentaux et spécifiques » ne semblent pas plus faciles d’approche que la notion de danger. En quoi la subjectivité, la perception des acteurs n’entrent-elles pas en compte ? De plus, le méta besoin de sécurité ne vient-il pas interroger par miroir, la question du risque et du danger ? En tout état de cause, « le besoin » devient un droit.
[1] Démarche de consensus sur les besoins fondamentaux de l’enfant en protection de l’enfance. op, cit, p.15
[2] Ibid, p.89
[3] Boyer-Vidal Bénédicte, Terono Susana. La notion de caregiver dans le cadre de placements d’adolescents en MECS. ERES, 2015, Enfances & Psy, p. 88