1.5  LE QUESTIONNEMENT

1.5.1      L’innovation, la diversification et la coordination sont-elles les réponses ?

Nous avons vu que l’on intente à la logique de service, tous les maux dont souffre la PDE et ainsi, dans le paysage actuel, il est de bon ton d’avancer l’innovation, la diversification et la coordination comme solutions premières. Trop souvent une question posée fait appel à des réponses déjà disponibles le plus souvent véhiculées par une philosophie, un paradigme, un diagnostic, des politiques publiques qui enferment dans ces mêmes réponses. Il n’est pas question de balayer d’un revers de main ces deux orientations, mais si l’évidence de la coordination et de l’innovation, voire de la diversification sont les réponses à la problématique de protection, de prévention des ruptures de parcours et par ce biais de « l’incasabilité » ; pourquoi à ce jour de tels dispositifs se font toujours attendre en mesure de résoudre ces mêmes problématiques ?

De cette curiosité, s’impose à mon sens, une approche de recherche inductive combinée à l’abduction reposant justement sur cette énigme. En effet, « partant d’un fait surprenant, l’abduction  remonte en arrière (d’où le vocable possible de rétroduction peut-être directement parlant qu’abduction) pour formuler une nouvelle hypothèse sur ce qui pourrait expliquer ce qui s’est passé [1]». Ainsi, pour rebondir sur une nouvelle perspective « que la théorie d’arrière-plan n’explique pas », pour tenter d’expliquer cette surprise, mes recherches sont parties d’un questionnement volontairement large afin d’entrevoir peut-être d’autres issues. Il me fallait donc sortir des hypothèses préétablies que sont les processus de coordination, d’innovation et de diversification pour élargir le champ de recherche.

1.5.2  Le questionnement de départ

Parce qu’il est question de rupture, de parcours, d’accompagnement et d’ « incasabilité », l’ensemble de la démarche recherche vise donc à interroger ces différentes profondeurs. Comme évoqué, les théories de diversification, de coordination et d’innovation ne semblent pas répondre à ces « situations d’incasabilité », en tout cas ne permettent pas une résolution définitive. Pour rester ouvert à la découverte, et conserver l’esprit inductif de la démarche, le postulat que ces adolescents sont en risque et/ou en danger,  servira de fil conducteur pour tenter de répondre à la question suivante :

  • Comment prévenir les ruptures de parcours socio-éducatif des adolescents en « situation d’incasabilité » ?

Au même titre que le parcours de ces adolescents, je vais donc vous initier au parcours de l’ingénieur social que j’estime « comme une fonction d’ensemblier, d’assemblier qui se situe dans la pratique, l’action, l’intervention, et apporte ou aide à trouver des solutions pour favoriser la résolution de problème du champ sociétal[2]». Créer des ponts entre les disciplines, effectuer des maillages théoriques, appliquer une recherche résolument posée sur la production de connaissances, en impliquant le regard des acteurs, des professionnels comme du public. C’est aussi développer un sens critique, non pas pour le simple amusement de discuter, mais pour accéder à différents possibles, à différents carrefours, à différents chemins qui s’ouvrent à soi en prenant le risque comme ces adolescents d’en choisir un au dépens d’un autre. Ce cheminement va se traduire par une réalité et non pas la réalité dans toute sa vérité, mais une partie infime d’une vérité de la réalité.

La découverte des cindyniques ne s’est pas réalisée sans hésitation, sans balbutiement, sans doute. Elle est née de choix et d’un peu de hasard à travers l’analyse des notions clés d’« incasabilité » et de parcours que nous allons découvrir dans les deux premières parties. C’est à l’issu seulement de cette discussion interne, que les cindyniques sont apparus. Dans un troisième temps, les concepts de la science du danger se devaient d’être vérifiés par une enquête auprès des acteurs, pour en révéler leurs pertinences ainsi que leurs limites. Cette triangulation « incasabilité », « parcours », « cindyniques » tire le sens de cette recherche qualitative qui vise en définitive à créer des cadres théoriques nouveaux ou plus humblement à voir les cadres théoriques existants d’une autre façon.  


[1] Dumez Hervé, Qu’est-ce que l’abduction, et en quoi peut-elle avoir un rapport avec la recherche qualitative ?, Le Libellio d’aegis, 2012, page 3-9

[2] Site HAL-SHS : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00907390/document