L’approche cindynique démontre sa raison d’être dans de nombreuses disciplines. Son potentiel repose, à mon sens, sur la complexité qu’elle porte, celle de la rendre intelligible. Elle considère des concepts fondamentaux comme celui de la déontologie (finalités) et de l’axiologie (valeurs) qui sont tous deux inséparables de la question, jusqu’ici non soulevée, de l’éthique. Sur le plan cindynique, l’éthique comporte deux axes :
- Autoréférentiel qui permet à un acteur de s’interroger sur lui-même et de se remettre en question ; c’est l’axe de l’éthique de la conviction
- Relationnel qui met en relation un acteur avec les autres acteurs, et évalue l’impact sur les autres de ces convictions ; c’est l’axe de l’éthique de la responsabilité.
Aussi, la boucle semble bouclée, elle mène à la formalisation de l’application des sciences du danger dans le secteur de la PDE. Il m’apparait que plusieurs options sont possibles, toutes gardant le même objectif général : remettre la notion de danger au cœur des réflexions institutionnelles par l’approche cindynique.
- Objectif opérationnel n°1 : développer l’approche cindynique auprès des cadres de la PDE
C’est favoriser une culture d’étude des dangers et d’analyse des risques pour apporter des actions correctives. Les responsables de service sont concernés par les effets sur les personnels, d’usure, de fatigue, de stress, de répétition. Les cadres sont appelés à instaurer des stratégies de gestion des risques.
L’aspect managérial est naturellement concerné, mais prend en considération également les politiques sociales, ici le parcours et les besoins du public. La création d’un profil de cadre cindynicien permet, à mon sens, d’intégrer l’ensemble des disciplines en interne, des pratiques, et des cultures. Cette pluridisciplinarité est indispensable pour favoriser le décloisonnement des regards, encore faut-il qu’un langage commun les rapproche.
L’accompagnement à l’approche cyndinique peut tout autant s’effectuer au sein des établissements concernés comme en amont, dans les centres de formation. Nous pourrions même imaginer l’émergence d’une nouvelle qualification de cadre cindynicien.
Développer l’approche cindynique auprès des cadres de la PDE |
Problématique : Dimension managériale |
– Absence de dispositif de prévention des risques – Absence de dispositif de retour d’expérience – Relativité de la notion de risque et de danger |
Objectif général : Repérer et traiter les risques de danger |
– Etablir une meilleure connaissance des phénomènes de conduites à risques – Utiliser le retour d’expérience pour le traitement des risques et danger – Mettre en place des actions cindynolitiques de réduction des risques |
Objectif opérationnel : créer un dispositif |
– Création d’une instance de prévention des risques (ante) et post crise (ex) – Mettre en place une base de données – Développer des actions éducatives, thérapeutiques et partenariales |
Effets attendus |
– Développer des nouvelles modalités et postures d’accompagnements – Réduire les risques et des dangers – Eviter les ruptures brutales de parcours |
Indicateurs de l’évaluation |
– Nombre de réunions organisées (rythme, participants, compte rendu) – Outils statistiques utilisés (base de données, études, diagnostic) – Nombre de fiches d’incidentMise en place d’actions émanant de cette instance |
- Objectif opérationnel N°2 : sensibiliser les professionnels de terrain à la notion de danger par les cindyniques
Bien que dans le secteur de la PDE, les fonctions soient diverses et variées, la plupart sont confrontées quotidiennement à ces risques et dangers. Au-delà, de la gestion, la question de l’évaluation reste centrale. Elle détermine, les postures à tenir, les actions à conduire, les préconisations ou décisions à prendre. La formation des travailleurs sociaux qui seront amenés à travailler dans le secteur de la PDE, n’aborde pas spécifiquement cette problématique, tout au moins sous l’aspect des sciences du danger. Les bases des cindyniques notamment sur les aspects cindynogènes et cindynolitiques, c’est-à-dire considérer que toute intervention comporte un effet de réduction de risque ou au contraire de création de danger, doivent être, à mon avis, transmises. C’est sortir de l’intitulé « de situation d’incasabilité » ou « de situation complexe » pour revenir à la dénomination précise de la PDE, celle « de mineurs en situation de risque ou de danger ». C’est aussi pour les professionnels l’opportunité d’améliorer la cohésion des postures et réponses éducatives.
Sensibiliser les professionnels à la notion de danger cindynique |
Problématique : Dimension de la notion de danger |
– Une perception des risques et dangers selon la fonction – Absence de langage commun autour de la notion de danger – Absence de théories sur les aspects réducteurs et créateurs de risques |
Objectif général : favoriser la cohésion des pratiques |
– Développer une culture de la gestion des risques – Former sur les risques cindynogènes et cindynolitiques – Sensibiliser au repérage des déficits et dissonances |
Objectif opérationnel : s’approprier les grands principes cindyniques |
– Etre en capacité d’analyser les risques interne et externes – Prendre en compte l’aspect cindynolitiques des réponses – Intégrer des postures professionnelles pour la gestion des crises |
Effets attendus |
– Meilleure gestion des situations à risque et de crise – Diminution des risques cindynogènes et cindynolitiques – Réduction des désorganisations des réseaux d’acteurs lors des crises – Réduction des discontinuités de prises en charge |
Indicateurs de l’évaluation |
– Analyse des notes d’incidents (repérage des effets cindynogènes et cindynolitiques) – Appropriation de la démarche générale (analyse en commun de situations à risque) – Analyse des motifs d’arrêt de mesure |
Penser le danger, nous l’avons vu, ne va pas de soi. L’absence de dispositifs de gestion de prévention des risques ; de retour d’expérience sont des lacunes repérables dans les institutions. L’ingénieur social peut justement venir accompagner les structures dans la mise en place de dispositifs contribuant à réduire le potentiel cindynique. En effet, le montage reste relativement complexe et nécessite des adaptations selon les services. Pour autant, le socle cindynique tel que constitué à ce jour, n’a pas à être modifié mais seulement compléter sur le seul trait de l’empirisme.
Le maillage avec les autres acteurs du système est essentiel, la seule institution ne peut donc pas intervenir sans les autres acteurs du réseau. Les deux préconisations se contentent d’une élaboration d’abord en interne, mais des variantes sont possibles pour ouvrir sur un réseau plus large, qu’il convient de déterminer au préalable. A mon sens, cela demande toutefois un pilotage spécifique, relevant peut-être d’une instance particulière comme l’ODPE.