6.2  De multiples classifications des besoins

Les nomenclatures des besoins sont nombreuses, partant de celle de Maslow[1] (théorie de motivation 1970) arborant une classification hiérarchisée et déterminant par ordre de priorité les besoins : physiologiques – de sécurité- d’appartenance- d’estime- de s’accomplir. Cette conception pyramidale des besoins laisse entendre que la satisfaction des besoins physiologiques doit précéder toute tentative de satisfaire le besoin de sécurité (protection), lequel doit être satisfait avant les besoins d’appartenance…etc. La symbolique de la pyramide repose sur la fondation d’une base solide pour atteindre les autres besoins.

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6. LA NOTION DE BESOINS FONDAMENTAUX

6.1  La sécurité comme méta-besoin

Suite à cette manœuvre législative, va aboutir une « démarche de consensus sur les besoins fondamentaux de l’enfant en protection de l’enfance [1]» dans laquelle une quinzaine d’experts ont élaboré une approche partagée « définissant le périmètre, le contenu, voire les outils d’analyse contribuant à l’appréhension des besoins fondamentaux, universels et spécifiques de l’enfant (…) pour une évaluation rigoureuse des situations, en vue d’une réponse adaptée au mineur et à sa famille[2]».  Ce consensus définit comme méta-besoin la sécurité, dès lors qu’il englobe la plupart, sinon l’ensemble des autres besoins. Ce méta-besoin de sécurité physique et affective contient, selon ces travaux, les besoins physiologiques et de santé, le besoin de protection et le besoin affectif et relationnel. D’autres besoins sont identifiés : le besoin d’expérience et d’exploration du monde ; le besoin d’estime de soi et valorisation de soi ; le besoin d’identité ; le besoin d’un cadre de règles et de limites. Tous sont interdépendants du méta-besoin de sécurité, mais ne peuvent être atteints que dans un contexte de satisfaction de ce premier besoin.

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5.5  Le danger, une notion mal-aimée

En 2006, une étude met en lumière trois écueils majeurs dans l’impact décisionnel des représentations personnelles du professionnel : « le doute de certains professionnels au sein de toutes les équipes quant à la dangerosité de la situation de l’enfant ; la mise en évidence de différences dans les seuils de tolérance ; la sensibilité à l’alerte[1] ». Le traitement des situations de « danger », pourtant légiférées, ne trouve pas sa place dans la culture professionnelle, curieusement, au même titre que ces adolescents qui peinent à trouver une place dans les dispositifs. Nous y trouvons comme explication encore le sceau intimiste de la dangerosité qui entrave une élaboration collective et maintient les professionnels dans l’obscurité. Pourquoi ne sommes-nous pas capables d’apprécier le caractère dangereux de quelque chose, de quelqu’un ? Et en quoi la sensibilité et le seuil de tolérance seraient un frein plutôt qu’un principe de précaution ? Il est vrai que limiter la protection de l’enfant à un simple problème de dangerosité réduirait toute la complexité des situations confiées.

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5.4 La nébulosité des notions de maltraitance et de danger

Pour comprendre le fonctionnement de la PDE, nous pouvons la diviser en deux catégories, celle relevant du Département et celle relevant de la Justice, la première avec l’adhésion des représentants légaux, la seconde sous contrainte : 

  • La protection judiciaire du ressort du procureur et du juge des enfants peut décider d’une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert, un accueil (placement) en institution ou lieu de vie ou un placement à domicile.
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    • Le Conseil Départemental à travers l’ASE peut mettre en œuvre par exemple, une aide financière, une mesure administrative d’aide éducative à domicile, un contrat de jeune majeur ou un accueil provisoire (placement)
    • La protection judiciaire du ressort du procureur et du juge des enfants peut décider d’une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert, un accueil (placement) en institution ou lieu de vie ou un placement à domicile.
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    5.3  La notion de maltraitance écartée par celle de danger

    Enfin, la loi du 5 mars 2007 supprime cette dernière notion de maltraitance, « les mots : des mauvais traitements et de prise en charge des mineurs maltraités sont remplacés par les mots : de prise en charge des mineurs en danger ou qui risquent de l’être[1]». Dans le troisième alinéa, « les mots : maltraitance envers les mineurs, de maltraitance et de dépistage et de prise en charge médico-sociale et judiciaire de la maltraitance sont remplacés respectivement par les mots : protection de l’enfance, de mise en danger des mineurs et ainsi que de dépistage et de prise en charge médico-sociale et judiciaire des mineurs en danger ». Enfin, « le mot : maltraités est remplacé par les mots : en danger ou qui risquent de l’être ». Le CASF est donc largement réécrit sous cette nouvelle notion de risque et de danger.

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    5.2 Entre assistance et répression

    Effectivement, cet élan protecteur envers l’enfant s’arrête là où commencent le vagabondage et les problématiques sociales qu’il fait naitre, marquées par des comportements jugés déviants. Le début du 20ème siècle marque un tournant répressif cette fois à l’égard de ces mineurs, pupilles de l’assistance publique, qui « par des actes d’immoralité, de violences ou de cruauté, donne des sujets de mécontentement très graves [1]». Le tribunal civil peut confier à l’administration pénitentiaire l’enfant assisté sur demande du préfet de département. « Qualifiés de vicieux, indisciplinés, difficiles, marqués par des défauts de caractère, auteur d’acte d’immoralité, de violence ou de cruauté », ces pupilles qui ne peuvent être confiés à des familles, et sont alors placés dans des écoles professionnelles départementales ou privées, agricoles ou industrielles, sur décision du préfet.

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    5.     LES FINALITES DE LA PROTECTION DE L’ENFANCE

    5.1  De l’abandon à la maltraitance

    Selon les époques, la question de la protection de l’enfant et donc de l’enfance en danger, évolue considérablement en fonction du cadre réglementaire. L’une des problématiques récurrentes réside dans l’intervention de l’état dans la sphère privée, c’est-à-dire la famille. Au-delà de cette tension, ce qui nous intéresse ici, c’est plus particulièrement la question de la représentation de l’enfant en danger par la société. Ce rapide descriptif, vise à repérer les problèmes et leurs traitements, par le législateur. Pour cette raison, l’historique démarre au moment où l’état se saisit de la question de « l’enfance ». Alors que jusqu’ici, l’église restait le principal protagoniste, fin du 17ème siècle, l’état intervient à son tour.

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    4.2   La « situation d’incasabilité » : représentations professionnelles

    Une étude[1] menée à partir de la reconstitution sur dossier de deux parcours en protection de l’enfance et d’entretiens avec les professionnels concernés, va tenter d’évaluer la représentation des professionnels concernant ces jeunes. Le guide d’entretien de l’enquête comprend quatre grands thèmes :

  • Leur analyse des causes de l’échec des prises en charge.
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    4.     SUJET VERSUS INSTITUTION

    4.1  L’incasable et ses manifestations

    Précisément, en 2008, l’ONED confie auprès de professionnels une recherche intitulée « Une souffrance maltraitée, parcours et situations de vie des jeunes dits incasables[1] ». L’étude met en lumière les critères de « placements multiples, répétés et marqués par l’échec ainsi que la solution institutionnelle inadaptée ou inopérante (et donc adoptée par défaut) qui conduisent les professionnels à employer le terme d’incasabilité[2] ». Concernant le sujet lui-même, il est défini par les événements de « fugues, de comportements violents, problèmes de santé (troubles psychiques), des hospitalisations (majoritairement psychiatrique) et des troubles du comportement [3]». Le rapport distingue ainsi, ce qui relève de « l’incasable des institutions », de « l’individu évènement », auxquels vient se greffer, à la grande surprise des chercheurs, la dimension des troubles psychiques.

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    3.2  Des carrières déviantes ou indécises

    Howard Becker a étudié la déviance sur le plan sociologique. Pour lui, le concept de « carrière » permet de pallier la méthode classique qui consiste à étudier les causes, au sens général du terme. L’auteur souligne que ce sont des successions de phases, des changements de comportements et des perspectives de l’individu qui peuvent expliquer le phénomène de déviance. La cause doit être recherchée dans ces différentes étapes. Elle « englobe l’idée d’évènements et de circonstances affectant la carrière. Cette notion désigne les facteurs dont dépendent la mobilité d’une position à une autre, c’est-à-dire aussi bien les faits objectifs relevant de la structure sociale que les changements, les perspectives, les motivations, et les désirs de l’individu[1]». Mais alors, comment l’institution étudie, analyse  ces événements, ces circonstances, ces étapes qui mènent à des agissements déviants ? Sont-ils par nature incoercibles ? C’est peut-être l’aspect préventif des risques de déviance qu’il faut privilégier au détriment de l’angle répressif.

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    3.     L’INCASABLE : ENTRE PSYCHOPATHIE ET DEVIANCE

    3.1  Les troubles psychiques : entre désordre intérieur et extérieur

    J.P Chartier nous rappelle les trois grands courants de pensée qui dessinent les contours de la personnalité psychopathique : la théorie française sur l’hérédité et la dégénérescence ; la conception allemande sur la dimension de la souffrance individuelle et collective ; la théorie anglo-saxonne sur les symptômes d’inadaptation sociale. Inventeur du concept 3D (Déni, Défi, Délit) qui constitue et organise la vie de l’incasable, J.P Chartier s’interroge sur ces comportements et délimite trois temporalités. Il indique que leur rapport au temps est spécifique :

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    2.2 Une tension jeune-institution-société

    Donc, au sens large du terme, les institutions « fabriqueraient des incasables ». Pourtant, concernant le secteur de la protection judiciaire, Bourquin repère le terme de « cas résiduels » (1950) pour qualifier ceux qui ne s’adaptent pas aux institutions ; les « inéducables » ; les « inamendables » (XIX siècle) ; les « délinquants vrais » ; les « faux délinquants » ; les « multirécidivistes » ; les « psychopathes ». « On est là dans une nosographie criminologique, avec cette idée que les mineurs délinquants ne sont pas systématiquement les plus difficiles. Plus près de nous, dans les années 1980, on parlera des « cas lourds », des « cas limites », du « noyau dur » pour aboutir à « l’incasable », celui dont personne ne veut… [1]». Mais alors que depuis le 19ème siècle les types d’institutions et de structures, les philosophies, et même les réponses éducatives ont évolués en direction de ces adolescents, la problématique reste identique et semble immuable, seul leur qualificatif change. Ce n’est pas tant le comportement des jeunes qui attire l’attention mais l’appellation qui en émane.  

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    SECTION 1 : LA « SITUATION D’INCASABILITE »

    2.     L’ADOLESCENT DIT DIFFICILE

    2.1  Une absence de définition d’ « incasable »

    Il est difficile de rentrer directement dans le sujet par l’utilisation d’un tel jargon professionnel peu reluisant. Nous nous devons néanmoins de partir de cette réalité, de ce néologisme « d’incasable » qui ne trouve racine dans aucun champ spécifique à l’intervention sociale, médico-sociale, judiciaire, ou psychiatrique. Le qualificatif « incasable » pour qualifier ces mineurs et jeunes majeurs outrepasse le dispositif de la protection de l’enfant. Il se retrouve dans les différents secteurs (PJJ et handicap) pour décrire ces jeunes qui échappent à toute intervention spécialisée.

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    1.5  LE QUESTIONNEMENT

    1.5.1      L’innovation, la diversification et la coordination sont-elles les réponses ?

    Nous avons vu que l’on intente à la logique de service, tous les maux dont souffre la PDE et ainsi, dans le paysage actuel, il est de bon ton d’avancer l’innovation, la diversification et la coordination comme solutions premières. Trop souvent une question posée fait appel à des réponses déjà disponibles le plus souvent véhiculées par une philosophie, un paradigme, un diagnostic, des politiques publiques qui enferment dans ces mêmes réponses. Il n’est pas question de balayer d’un revers de main ces deux orientations, mais si l’évidence de la coordination et de l’innovation, voire de la diversification sont les réponses à la problématique de protection, de prévention des ruptures de parcours et par ce biais de « l’incasabilité » ; pourquoi à ce jour de tels dispositifs se font toujours attendre en mesure de résoudre ces mêmes problématiques ?

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    1.4  Des drames en protection de l’enfance

    Dans l’affaire Marina, le décès en 2009 de cet enfant de huit ans sous les coups de ses parents malgré un signalement de justice, a médiatisé des dysfonctionnements de l’ASE et des établissements habilités. Le rapport GREVOT relève les raisons pour lesquelles la situation a échappé à la vigilance du dispositif de la protection de l’enfant. Il identifie en autres « la fragmentation des diverses interventions, au niveau institutionnel, combinée à l’enfermement de l’ensemble des acteurs dans leur propre logique institutionnelle et professionnelle [1]».

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